Buisson ardent

Des virages serrés, les traits tirés, Chulito est resté assis dans sa voiture du matin au soir. Il avait déjà visité Maragua et ses buissons ardents, seules flammes de ce cratère désolé. Cet endroit me rappelait mon café : brut, amer et calciné.

On ne savait rien de son origine, peut-être était-ce lui qui avait soufflé sur la chandelle du Crétacé. Certains disaient que c’était un ancien lac, trésor de ce pays sans mer. Il était désormais vide, jonché de maisons qui servaient de greniers pour les âmes de ceux qui n’y habitaient pas. Les gens vivant dans ce trou semblaient vieillir prématurément.

Au-dessus de ma tête, debout sur un rocher, une vieille dame de vingt ans me fixait. Je pouvais tout juste voir son ombre, elle pouvait seulement voir mes yeux. Comme Chulito, elle était figée au même endroit depuis des années, tout le monde l’était. Comme s’ils pensaient laisser leur empreinte en restant assez longtemps sur cette roche sèche et glaciale. 

Les dernières braises de Maragua allaient bientôt s’éteindre. Les faibles cris de désespoir seraient vite rattrapés par les parois montagneuses de la fosse. Personne ne pouvait l’escalader, les mains ridées glissaient et les corps inertes s’entassaient. Mais loin du chaos urbain, enracinés dans leurs bâtisses de terre, ils menaient la vie rêvée. Celle que les tourmentés ne peuvent percevoir.

Le trajet avec Chulito était un drôle de voyage. Il écoutait des musiques de son pays sans faire attention au chahut des passagers. Il avait l’air apaisé, comme si le malheur ne pouvait l’effleurer. Au bout de trente minutes, il coupa le moteur. Le soleil descendit, rencontra Maragua, ralluma ses buissons. Lorsqu’on ne le vit plus, les vieux dinosaures avaient, une nouvelle fois, trouvé leur salut.

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